In memoria Vietnam

Vietnam, aide-mémoire

1995-97

Peu de noms de pays ont un contenu aussi lourd de sens que « Vietnam » dans la mémoire collective française ou nord-américaine. Enfant dans les années 50, j’ai, comme beaucoup de petits français, subi le martèlement des noms propres vietnamiens sur les ondes ou dans les conversations des « grands ». Adolescent dans les années 70, j’ai traversé les Etats-Unis en auto-stop à l’époque de l’engagement américain au Vietnam. Tout le monde parlait du Vietnam là-bas, cela aussi crée des images.

Je n’ai en revanche pas de souvenir d’images de cette guerre, à la différence des petits américains qui, à cause de la télévision, n’ont même pas eu à imaginer visuellement le terrain sur lequel opéraient leurs papas ou leurs grands frères.

En 1995, j’ai entrepris une série de voyages sur place, sans doute inconsciemment pour faire resurgir des images que mon imagination s’était forgées quarante ans auparavant. J’ai choisi les « lieux fondateurs » de la nation vietnamienne : le village natal de Ho Chi Minh, la piste du même nom, les tunnels de Vinh Moc, les sites Champa, les minorités ethniques du Nord-Ouest, Danang, Hué, le delta du Mékong… Tombé gravement malade à Dien Bien Phu, j’ai même du interrompre l’un de mes périples.

Ces images sont des photos de souvenirs, et non pas des photos-souvenirs. Je m’intéresse de plus en plus à ce que je vois mal, sur les côtés de mon champ de vision, à ce qui attire mon regard inconsciemment comme s’il s’agissait d’un retour à une vie antérieure. Il y a de moins en moins de regard neuf en photographie, car notre monde est congestionné de documents visuels qui n’ont rien à voir avec des images et génèrent des préjugés. Si nous voyageons de plus en plus, c’est peut-être dans le seul but de révéler des images nées à l’époque la plus féconde de notre imagination.

Daniel ANIZON

In Memoria Vietnam

1995-97

A very few countries are as meaningful as Vietnam in the french and american collective memory. As a child during the 50’s, I only heard of Vietnam from older people. Hitchhiking across the US during the 70’s, I again heard everybody talking about Vietnam.

That creates pictures in your mind, especially when you don’t have TV. When you see too many pictures, you don’t have to imagine more of them.

In 1995, I started a series of 4 trips to Vietnam, maybe to awake up all those pictures which were buried somewhere in the depht of my memory.

So, all these pictures are not souvenirs but photographs of a memory.

Maybe, the only reason why we travel is that we need developping pictures which were already born in our imagination a long time ago, when we were little kids.

Daniel ANIZON, 1999.

* aide-mémoire : something which helps you remind of something else.